Femmes et élues pourquoi pas vous ?
"Il n'est nullement question de faire gouverner la société par les femmes mais bien de savoir si elle ne
serait pas mieux gouvernée
par les hommes et par les femmes."
John Stuart Mill
Michèle Vianés décorée des insignes d'Officière de la Légion d'Honneur par la Ministre AURORE BERGÉ

 

Le jeudi 23 janvier 2025 à la mairie du 6ème Arrondissement de Lyon

Discours de la Ministre Aurore Bergé [Fichier Pdf]
Discours de Pascal Blache Maire du 6ème Arrondissement [fichier Pdf]
Réponse de Michèle Vianès à la suite de la remise par Aurore Bergé des insignes d’officière de la Légion d’Honneur
Merci Monsieur le Maire, Cher Pascal Blache,
Merci Madame la Ministre très chère Aurore Bergé, de vos chaleureux messages auxquels je suis très sensible,
Madame la Préfète,
Merci à toutes les personnes présentes, en vos grades et qualités, ministre, parlementaires, maires et autres élues, responsables d’association, en particulier les administratrices présentes et passées et les membres de RdF, représentants du monde juridique, partenaires financiers, médias et bien évidemment ma famille, la plus jeune Emma n’est pas là mais son cousin Matthew, féministe au masculin, représente la jeune génération.

Merci à vous, tous et toutes, chères amies, qui me faites l’honneur et le plaisir d’être à mes côtés en ce jour où la République, en m’élevant au rang d’officière de la Légion d’Honneur, reconnait la militante féministe, laïque, universaliste et abolitionniste et l’importance des combats menés, ici et dans le monde.

Lors de ma remise des insignes de Chevalière en 2009 par Fadéla Amara, je m’étais inscrite, sans fausse pudeur, mais proportion et respect gardés, comme héritière de mes maitres et maitresses à penser, de Louise Labbé, la Lyonnaise à Simone de Beauvoir sans oublier les féministes au masculin, Condorcet évidemment et John Stuart Mill. J’avais associé celles rencontrées, bien sûr Simone Veil et Yvette Roudy, Yvette qui m’a tant appris, notamment la ligne directrice de mes actions . Je regrette que son état de santé ne lui permette pas d’être parmi nous aujourd’hui.

J’avais cité les pionnières Angélique Duchemin, première femme distinguée et décorée de la Légion d’Honneur par le Prince Président Napoléon en 1851. Elle était vétéran des guerres de la Révolution, engagée à 20 ans et participant pendant 6 ans, jusqu’en 1798, aux campagnes, dans la guerre dite de « liberté ».

Et Rosa Bonheur, la première femme officière, le terme était en usage dans la presse de l’époque, de la légion d’Honneur, en 1894 , après avoir été décorée chevalière, 30 ans auparavant par l’impératrice Eugénie qui avait déclaré lors de la remise des insignes « J’ai voulu montrer qu’à mes yeux le génie n’a pas de sexe ».

Je suis très fière d’être héritière de celles qui se sont battus dans cette guerre de « liberté , à laquelle j’associe l’égalité en droits, devoirs et dignité des femmes et des hommes et la fraternité, fraternité républicaine, fraternité à l’autre celle ou celui différent par la couleur, le sexe ou la religion. Héritière également de celles qui ont refusé la machocratie ambiante, le machisme d’atmosphère pour plagier Gilles Kepel et l’enfermement des femmes.

Dans ses temps de guerre idéologique et insidieuse, je poursuis le combat pour la devise républicaine si bien décrite par Victor Hugo que j’ai rappelé dans notre outil de formation « les 10 mots qui font la France » : la liberté est un droit, l’égalité un fait et la fraternité un devoir.

>Combat avec des mots, justement pour empêcher l’altération, la perversion des mots, pour ne pas être dupes du discours de celles qui prétendent avoir choisi leur servitude, ou qui voudraient que leur choix personnel devienne un droit que la République devrait leur accorder, celles qui réclament la liberté d’être opprimée, soumise. Et surtout ne pas être complices de leurs suborneurs, qui pour garder le pouvoir, leur font avaler ces fadaises.

Militante féministe, laïque, républicaine, universaliste, abolitionniste. Cela semble redondant, mais ces notions sont tellement perverties qu’il est indispensable aujourd’hui de les énoncer, de les décliner toutes.

En effet, ces principes émancipateurs sont instrumentalisés par l’ajout d’adjectifs pour les disqualifier, les dénaturer.
Féminisme intersectionnel, comme si le féminisme ne concernait pas toutes les femmes et les filles,
Laïcité ouverte, comme si la laïcité, cet idéal de liberté de penser et de conscience pouvait être fermée,
la république qualifiée d’islamiste en Iran, islamisme modéré, sans doute.
L’universalisme relativiste, le relativisme culturel, ce racisme qui empêche les personnes d’avoir accès aux droits humains universels parce qu’elles et ils sont nés ou leur famille est originaire de pays où les droits humains ne sont pas respectés.
L’abolitionnisme esclavagiste, exploitant le corps des femmes quelques minutes, mais des milliers de fois, ou 9 mois ou à vie par les traitements hormonaux et interventions chirurgicales sur les adolescentes faisant la fortune des systèmes mafieux, des cliniques et des laboratoires pharmaceutiques.

Donc féministe d’abord :
On parle aujourd’hui de féminisme «blanc», «black», «afro», «antiraciste», «islamique», «post-colonial», «décolonial», «intégral», «conventionnel», «médiatique», pourquoi pas féminisme machiste ?

Ces féminismes adjectivés et vociférateurs, n’étant pas à une contradiction près, prétendent que l’universel serait exclusif et le particulier, séparant les femmes selon leur couleur, origine ou religion, serait inclusif. Par cet apartheid revendiqué entre les femmes, elles rejoignent les courants d’extrême droite, identitaires eux aussi, nationalistes, voire racistes.

Laïque et universaliste évidemment
En ces temps où des vents mauvais, dus aux obscurantistes politiques et religieux, soufflent sur les droits des femmes partout dans le monde, la laïcité ce principe émancipateur est une force et un bouclier pour les femmes.

Les droits des femmes sont bafoués partout. L’emprise sur le corps et l’esprit des femmes perdurent dans le monde.

La constitutionnalisation de la liberté pour les femmes d’interrompre volontairement leur grossesse est une traduction concrète du principe de laïcité et a une portée universelle. Vous l’avez constaté, Madame la Ministre, nous l’avons constaté en mars dernier à l’ONU pendant la Commission de la condition des femmes.

La mainmise sur la fécondité et la sexualité des femmes a été et reste le moteur de l’oppression. Les votes conjoints du Saint Siège, de la Pologne, des fondamentalistes protestants américains et des États musulmans dans les conférences internationales contre l’accès des femmes aux droits à disposer de leur corps en sont la preuve.

Je connais, Madame la Ministre, votre combat pour la laïcité, notamment contre le voilement des fillettes, cette maltraitance à enfant qui contrevient aux dispositions de la Convention Internationale des droits de l’enfant et de l’OMS. Y aurait-il une fenêtre d’opportunité dans le gouvernement actuel pour que toutes les fillettes en France soient protégées par la République et bénéficient de l’application effective de l’article 375 du code civil ?

Cette décoration dont vous m’avez jugée digne, Madame la ministre, m’oblige, Depuis plus d’1/4 de siècle je consacre mon temps et mon énergie aux droits des femmes et des filles avec des avancées significatives. Vous les avez décrites.

J’applique la maxime de Thucydide « se reposer ou rester libre ».

Le monde juridique largement présent ici sait que le droit international est un accélérateur de changement dans les pays où le déni des droits des femmes est légitimé par des décrets et des lois.

Et en ma qualité de féministe laïque et universaliste, je ne peux pas me taire sur la situation infra-humaine dans laquelle se trouve les femmes Afghanes, les interdits imposés aux Iraniennes, la première mesure prise par les islamistes au pouvoir en Syrie, consistant en l’interdiction de la magistrature aux femmes, imitant en cela l’Iran, Ce système de ségrégation absolue des sexes s’applique de manière identique à l’apartheid racial.

Aussi Regards de femmes organise le 12 mars prochain à l’ONU New York un atelier « Apartheid fondé sur le sexe crime contre l’humanité » consacré à l’élargissement de la Convention sur le crime d’apartheid à celui fondé sur le sexe. La Ligue du Droit international nous accompagne.

Regards de femmes poursuivra également ses actions pour la parité politique, levier transformateur des politiques publiques. Pour inciter les femmes à être élues, à se sentir légitimes et crédibles, à être visibles, en France et dans l’espace francophone.

Depuis plus de 25 ans, comme toutes les associations partenaires présentes ici, nous demandons aux États et gouvernements de passer à l’acte, de ne pas se contenter de promesse, Nous nous appuyons sur les statistiques sexuées afin de rendre visibles les différences d’accès aux droits humains universels entre les femmes et les hommes. C’est une base solide et factuelle pour nos combats passés et à venir.

Pour que l’égale représentation des femmes et des hommes dans tous les systèmes et espaces de prise de décision. ne soit pas seulement un objectif, un vœu pieu, mais une réalité.
Pour que les femmes ne soient pas uniquement assises, mais interviennent à la table des négociations.
Pour que les politiques publiques ne soient plus conduites pour les femmes mais par les femmes, actrices du changement, n’est-ce pas Madame la Préfète.

Grâce aux combats incessants de Nicole Ameline au sein de la CEDAW, la convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes, la parité 50/50 dans tous les espaces et systèmes de prise de décision est enfin devenue un principe d’organisation, un cadre normatif, une stratégie pertinente pour prioriser les actions plus transformatrices, voire vitales, afin de permettre un développement durable qui ne laisse personne de côté, notamment les enfants non déclarés à la naissance et les filles et les femmes dépourvues de documents d’identité.

Regards de femmes a tenu un colloque international à l’ONU Genève sur les mesures législatives, politiques, programmatiques pertinentes pour assurer la mise en œuvre des obligations des États en matière de représentation paritaire, 50/50, des femmes et des hommes. Nous prévoyons d’en faire autant à New York en mars et nous savons compter sur vous pour que la France y consacre son side-event.

Comme vous le voyez, Madame la ministre, et mes chères amies, je poursuivrai mes engagements.

Ayant eu la chance de naitre dans la France laïque, j’en suis comptable vis-à-vis des jeunes générations à qui il est nécessaire de transmettre ces acquis majeurs : la laïcité et l’égalité femmes/hommes.
Maïs également vis-à-vis des femmes et des hommes qui se battent partout dans le monde en sachant que leur idéal est possible puisque la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes figure hautement dans la Constitution de la France et dans son Histoire.